Le petit nouveau : la Taxonomie sur les activités durables

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La Taxonomie sur les activités durables est une initiative nouvelle en son genre, qui forcera les entreprises à dire la vérité sur leur engagement en termes de durabilité. Parviendra-t-elle à mettre fin au greenwashing ? Quelles sont les implications d’une telle taxonomie pour le reste d’entre nous ? Je tente d’apporter une réponse à ces questions à travers cet article.

“Mais c’est contraire à l’éthique pour les entreprises de mentir à leurs consommateurs à propos des avantages d’un produit…” ai-je dit, en lançant à mon professeur de Comportement des Consommateurs un regard dubitatif qui appuyait mes propos.

Sans y prêter attention, il m’a solennellement répondu : “Elles peuvent le faire parce que personne ne contrôle leurs affirmations”.

Et c’est à cet instant précis que mon amour pour le marketing traditionnel a disparu et que je me suis lancée dans la durabilité.

L’objectif de la plupart des entreprises, voyez-vous, est d’accroître les revenus des actionnaires : il s’agit de maximiser les profits à court terme. Et tout ce que l’environnement ou la société peuvent subir en retour (que ce soit à moyen ou à long terme) sera considéré comme des dommages collatéraux.

Dans les années 2000, alors que les approches durables se répandaient de plus en plus dans le milieu des affaires, la pression visant à forcer les entreprises à prendre en compte les questions environnementales dans leurs pratiques en a poussé certaines à faussement présenter leurs activités comme “vertes”. Vous vous souvenez peut-être notamment de l’affaire Volkswagen en 2015, lorsque l’entreprise a lancé une campagne de marketing trompeuse dans le but de promouvoir ses voitures à moteur diesel “propres”.

Les affirmations mensongères sont problématiques car elles détournent les ressources des activités véritablement vertes au profit de celles qui prétendent faussement l’être.

Mais que signifie le terme vert ? Nous sommes loin d’avoir atteint un consensus autour de sa définition, ce qui signifie que les investisseurs ont souvent du mal à savoir où diriger leurs fonds et ont même fini par se méfier des investissements écologiques – ce qui a ouvert la voie pour une nouvelle régulation européenne servant à limiter ces fausses affirmations et à rediriger les investissements vers des activités réellement écologiques.

Une nouvelle venue : avez-vous fait connaissance avec la Taxonomie Européenne pour les Activités Durables ?

Avant la Taxonomie Européenne pour les Activités Durables, l’absence d’une définition claire de ce qu’impliquent les investissements économiques écologiques perpétuait une confusion qui sapait la confiance des investisseurs. Une norme uniforme qui encourage la divulgation (claire et non fallacieuse) des performances environnementales accroîtra la transparence et aura un effet bénéfique sur la confiance placée dans les projets écologiques.

En 2020, la Commission Européenne a introduit la Taxonomie de Régulation Européenne comme une composante du pacte vert pour l’Europe : il s’agit d’un système de classification qui établit un lexique uniformisé sur ce qui constitue une activité économique écologique et sert de base pour la promotion d’investissements durables. Elle présente des définitions et des règles visant à aider les investisseurs et les entreprises à transitionner vers une économie bas carbone, engendrant ainsi une compréhension commune du climat et des objectifs environnementaux de l’UE, ainsi que des critères permettant d’identifier les activités écologiques.

Mais comme tous types d’innovation, elle suscite des interrogations.

Comment cette taxonomie définit-elle les investissements écologiques ?

Le terme “activités écologiques” fait référence aux activités qui contribuent de manière substantielle aux six objectifs environnementaux et ne nuisent pas significativement à l’environnement. La régulation fixe en outre quatre conditions qu’une activité économique doit remplir pour être considérée comme “écologique” :

Mais qu’entend-on par “contributions substantielles”? Pour qu’une activité soit reconnue comme apportant une contribution substantielle à un objectif environnemental, elle doit soit contribuer à un impact environnemental positif, soit réduire un impact négatif. En d’autre mots, la Taxonomie est un outil conçu dans le but d’aligner les activités économiques non seulement avec le Pacte Vert Européen¹, mais aussi avec l’Accord de Paris de 2015.

La Taxonomie est actuellement applicable aux activités économiques des entreprises cotées en bourse dans des secteurs qui contribuent à environ 80 % des émissions en Europe.

Quel impact cette taxonomie pourrait-elle avoir sur vous, moi, et la société en général ?

Bien que la taxonomie ait été conçue dans le but de créer un cadre de référence pour les pays membres de l’UE, les acteurs des marchés financiers et les grandes entreprises, son impact se fera également sentir dans d’autres secteurs et juridictions.

  • Elle limite le greenwashing

Cette régulation aura pour première implication de favoriser une plus grande transparence et uniformité et d’empêcher le greenwashing. Le greenwashing est une pratique qui consiste à promouvoir, à l’aide d’informations fausses ou trompeuses, un entreprise, un produit ou un projet en le présentant comme étant respectueux de l’environnement, comme dans le cas du scandale Volkswagen mentionné précédemment.

Les activités économiques doivent correspondre à l’article pertinent du règlement européen sur la taxonomie afin de déterminer leur “caractère écologique” et leur “contribution substantielle”.

Selon le règlement sur la divulgation, les acteurs du marché devront fournir des informations sur les actifs écologiques dans leur portefeuille. Les émetteurs de produits financiers qui affirment être environnementalement durables ou avoir des objectifs durables seront également tenus de déclarer la part de leur revenu total dérivé d’activités écologiques, ainsi que la part des dépenses associées à des activités environnementalement durables. De même, les acteurs non financiers tels que les États membres et les grandes entreprises publiques devront eux aussi indiquer de quelle façon leurs activités s’alignent avec les objectifs environnementaux. Les entreprises seront ainsi tenues d’appliquer la taxonomie lorsqu’elles définissent des exigences relatives aux obligations d’entreprise ; les États, quant à eux, devront l’appliquer lors de la définition des normes et labels.

  • Elle crée la première référence officielle en matière de durabilité

Les révélations en matière de climat et d’ESG (environnement, social et gouvernance) en général se sont répandues à travers le monde, et la Taxonomie européenne serait susceptible d’affecter les structures de signalement internationales dans le temps, provoquant ainsi un effet domino. Les nouvelles réglementations et la pression croissante qui pousse les investisseurs à investir dans des activités durables – alors que le changement climatique et la pandémie mondiale font rage – font des déclarations ESG un atout précieux aux yeux des investisseurs.

Des pays comme la Chine, le Japon, le Canada, le Kazakhstan et l’Indonésie ont déjà exprimé leur désir de développer leurs propres taxonomies vertes. Mais, dans l’intervalle, les investisseurs étrangers se réfèreront probablement à la réglementation comme point de référence par rapport à leurs pairs, ce qui engendrera ainsi de nouveaux moyens d’évaluer leurs performances en matière de durabilité.

  • Elle accélère les flux de fonds vers les entreprises vertes

Pour remplir les objectifs du Pacte vert, il sera nécessaire de rediriger des fonds vers des activités durables : cette taxonomie est un outil pour y parvenir. Dans l’idéal, l’orientation de fonds privés vers des investissements “écologiques” devrait réduire le financement d’entreprises “brunes ou sales, provoquant ainsi une baisse des émissions de gaz et contribuant à limiter le réchauffement climatique – l’un des objectifs de l’accord de Paris et d’autres initiatives existantes. Cependant, cela pourrait créer une bulle spéculative (une somme importante d’argent concentrée sur un faible nombre d’activités et encombrant le marché), et à mesure que l’argent est injecté dans certaines activités écologiques, les prix pourraient grimper jusqu’à atteindre des niveaux non viables, ce qui pourrait limiter l’effet escompté.

  • Elle favorise le développement en matière de science et d’innovation

Cette taxonomie pourrait favoriser l’avancement de la science, des innovations et de la croissance industrielle, en encourageant les innovations en matière de technologies écologiques et en récompensant les efforts écologiques. Elle représente une opportunité pour les chercheurs et les innovateurs en leur permettant d’accéder à des financements durables pour développer des technologies et des solutions qui contribuent à accélérer la décarbonisation.

  • Elle remet en question le sort des investissements non durables

D’un autre côté, certains se demandent si la régulation n’est pas trop stricte et ne devrait pas plutôt définir différentes nuances de vert plutôt que d’adopter une position binaire. Sous sa forme actuelle, elle peut être interprétée comme une catégorisation stricte des activités comme étant soit respectueuses de l’environnement, soit nuisibles à l’environnement, sans offrir d’entre-deux. Les activités qui ne remplissent pas les quatre conditions pourraient être considérées à tort comme non durables, ce qui risque de provoquer des échouements d’actifs (des actifs classés comme non durables et par conséquent non rentables en raison de la transition vers une économie à faible émission de carbone). Un juste milieu permettrait de réduire le risque d’échouement d’actifs, car il permettrait aux entreprises dont les activités ne remplissent pas les quatre conditions environnementales d’ajuster leurs stratégies, ce qui stimulerait l’innovation et les encouragerait à passer au vert. Cependant, la question de savoir si les investissements qui ne remplissent pas les conditions seront exclus n’a pas encore été tranchée.

La Taxonomie Européenne est là pour de bon, alors apprenons à la connaître.

La Taxonomie Européenne sur les Activités Durables est encore une nouvelle venue : il est trop tôt pour juger de son efficacité ou de sa “coolitude”. Elle représente néanmoins un pas dans la bonne direction, car elle constitue un cadre de référence commun pour les activités durables, nous rapprochant ainsi davantage d’une Europe à faible émission de carbone.

Les autres régions suivront de près son évolution, et nous assisterons sans aucun doute à l’émergence de nouvelles réglementations en matière de taxonomie écologique, ce qui pourrait placer la barre plus haut et augmenter la pression sur l’Europe pour qu’elle tienne le rythme en matière de données et d’approches visant à préserver la durabilité. Nous devons intégrer dans notre mentalité l’idée selon laquelle la taxonomie pour les activités durables est une référence vivante qui sera mise à jour (ou du moins devrait l’être) continuellement. Et ça ne s’arrête pas là.

En effet, au-delà du rêve écologique s’en trouve un autre : le rêve social.

Les questions sociales devront également être prises en compte afin de ne délaisser personne dans cette transition verte. Pour ce faire, l’UE devrait identifier les activités susceptibles de prévenir les dommages sociaux et de promouvoir les droits de l’homme, et encourager les dispositions visant à satisfaire les besoins fondamentaux des membres les plus vulnérables de la société. Un projet de rapport a déjà été publié sur une taxonomie sociale, et la Commission Européenne sollicite actuellement des commentaires sur son contenu.

Comme vous pouvez le voir, la Taxonomie s’est installée pour de bon, et ses amis pourraient aussi la rejoindre. Quel genre de voisine, d’ami, de collègue sera-t-elle ? Eh bien, cela dépend de l’effort individuel et collectif que nous sommes prêts à fournir pour l’accueillir dans notre quartier.

Qui est partant pour une fête de quartier?

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